Les Pages d'Isabelle
Le journal du raid 2012
03/07/2012
Notre reportage sur la musique scandinave
PARIS – CAP NORD : Un voyage en Photos et en Musiques
La découverte d’un pays occupe tous les sens du voyageur. Il revient chargé de photos, de saveurs, d’odeur, de sensations tactiles, mais aussi de sons. Souvent le voyageur est très attaché à la vue et aux photos qu’il rapporte. Mais son voyage a été ponctué de tout ce qui a effleuré ses sens. Et particulièrement, la Musique.
Fondations d’un peuple, d’une ethnie, d’une région, lien social, rite, fête, danse. Toute circonstance à sa musique traditionnelle, dans laquelle se reconnait et se différencie un peuple.
La Scandinavie, patchwork de différents peuples et flux migratoires du sud et de l’Est, dans un climat difficile, s’est ainsi forgée son identité musicale, et puise aujourd’hui encore dans ces propres ressources l’inspiration de ses artistes et compositeurs. On n’écoute pas de Sirtaki sur les routes de Geiranger.
Quand des musiciennes partent dans une aventure comme le raid PCN, la musique ne peut en être dissociée. Dès l’arrivée du Ferry sur les côtes, des airs de danses norvégiennes trottent dans leurs têtes (même si leur auteur Dvorak est Tchèque). En voyant approcher le port de Bergen, le souvenir d’Edward Grieg (né et mort à Bergen) s’impose aussitôt.
Bergen, 1ère étape en Norvège et déjà de grands musiciens : Ole Bull (1810) violoniste virtuose qui imposa Edvard Grieg et fit découvrir au monde la musique traditionnelle Norvégienne.
Grieg, né et mort à Bergen (1843-1907) ainsi que le musée retraçant sa vie et sa maison.
Il fut chef de la société philarmonique de Bergen pendant 2 ans, écrivit et donna
ses lettres de noblesse à un instrument populaire norvégien : Le violon de Haranger (ville de la côte ouest au nord de Bergen), la route du raid recroise déjà celle de la musique.
Nos musiciennes découvrent ce violon de Haranger en traversant sa région d’origine.
Le « violon de Hardingfele » est issu des violons d’Europe et d’instruments scandinaves plus anciens (type vièles) qui véhiculent aujourd’hui encore les sonorités traditionnelles du pays. On trouve sa trace à partir du 17ème siècle.
La particularité du Hardingfele est qu’il possède des cordes mélodiques (4) frottées par l’archet et des cordes « sympathiques » (4) situées en dessous, actionnées par la vibration des cordes mélodiques. Les accords changeant ainsi avec la mélodie qui accompagne les airs populaires.
Cette technique donne à l’instrument un son particulièrement soutenu, proche de la voix humaine. Très utilisé pour les fêtes et danses. Mais des compositeurs l’intégrèrent dans des ensembles instrumentaux plus importants.(orchestre, philharmonie)
Typique de Scandinavie, le Hardingfele n’a jamais voyagé et reste un instrument propre à la partie septentrionale de l’Europe d’où il tire son style de décoration en incrustation de nacre et d’os.
A la 4ème étape (Vagamo-Sarna), les appareils photos déjà remplis d’images, un panneau directionnel nous interpelle les raideurs musiciennes : « Peer Gynt ».
Ce petit village aux abords de la route du Raid servi de nom à la pièce d’Henrik Ibsen.
L’histoire d’un jeune paysan norvégien ambitieux qui doit fuir son village après de nombreux mensonges laissant sa promise Solveig. Après une vie d’errance dans le monde, il reviendra au village natal, retrouvant Solveig qui lui est restée fidèle.
L’histoire puisera largement dans les contes et légendes des traditions Norvégiennes mis en musique par Edouard Grieg à la demande d’Ibsen.
Cette pièce obtiendra plus de succès en tant que musique que la pièce elle-même. Elle est aujourd’hui présentée exclusivement en concert.
Le raid se déroule, les étapes s’enchainent, Sarna - Kakuasen, nous fait passer par Hogvalen en Suède. Ce tout petit village, où il ne reste plus que 12 habitants à l’année, arbore au vent le drapeau qui témoigne aujourd’hui de son patrimoine musical. La plupart des habitants étaient « violoneux » où malheureusement, ne subsiste aujourd’hui qu’un seul musicien, accordéoniste.
La Suède où nous roulerons quelques jours, nous permet de nous attarder et découvrir un autre instrument typique : le Nyckelharpa.
Cet instrument originaire du nord de Stockholm est de la famille des vièles et existe depuis le moyen âge.
Son nom Nyckel (touches) et Harpa (cordes) utilise la même technique que le Hardingfele mais avec un nombre de cordes différents.
Ayant subi de nombreuses évolutions au cours des âges depuis le mono harpa (instrument plus petit) est la base sur laquelle on ajoutera des cordes et touches pour aboutir à sa forme actuelle :
12 cordes mélodiques actionnées par l’archet et 12 cordes sympathiques (appelées aussi Bourdons) actionnées par la résonnance des cordes mélodiques.
Très ancien, il témoigne des flux migratoires des populations d’Est en Ouest, puisqu’on trouve des systèmes identiques sur des instruments plus orientaux (Sitar …).
Comme son voisin le Hardingfele, l’instrument connait aujourd’hui un regain de popularité et de nombreux festivals d’été le mette à l’honneur.
Après un checkpoint difficile pour 75 % des raideurs, le PCN formera naturellement un convoi de tous ses équipages égarés, le défilé se formera pour quelques kilomètres, nous sommes le 14 juillet et dans la tête de chacun, la fête nationale française résonne et avec elle ses chants et ses musiques.
Quelques notes de Marseillaise et de carmagnole, prouvent que l’histoire d’un peuple ne se délie jamais de sa musique.
La route du raid pique maintenant plein nord sur Enontekkio et nous arrivons dans un autre univers scandinave La Laponie. Que nous arrivions de Norvège, de Finlande, ou de Suède, la Laponie s’impose avec toutes ses racines culturelles et musicales. Le peuple Sami, dont les différences d’origine géographique, le mode de vie nomade, le manque de matériaux, les conditions climatiques a développé une forme de communication musicale, basée sur le chant.
Comme beaucoup de chant tribal, les origines du Joïk se trouvent dans les rituels chamaniques. La caractéristique du Joïk est la répétition de syllabes, incompréhensibles ou non.
Chanté a capella ou accompagné parfois avec un tambour traditionnel. Chaque individu possède un chant propre, une signature musicale.
Avec la christianisation, les tambours chamaniques furent brulés et le chant interdit.
Mais les Sami résistèrent et continuèrent à pratiquer le Joïk dans leurs activités quotidiennes, pour les travaux, calmer le bétail, louer la nature.
C’est ce que nous l’explique Lars Jonas Johansson (ci-contre)
chanteur populaire du groupe Noice makers, qui pratique encore
l’art du Joïk.
Dans sa présentation, les chants servant à calmer les troupeaux de rennes,décrire la nature,le cours d’une rivière……. Imitant des cris d’animaux, ponctués d’interjections……Les chansons d’aujourd’hui témoignent des sources Joïk dans la musique folk actuelle qu’il chante.
18ème jour de Raid et l’étape dominante de ce périple le Cap Nord n’est pas exempté de musique. Après 2 jours de tempête, le soleil offre aux raideurs un minuit exceptionnel. Ouvert pour le raid exceptionnellement après 1heure du matin, nos musiciennes en profitent pour se rendre à la chapelle du lieu : Saint Johannes Kapell et écouter l’enregistrement de Jan Gabarek, saxophoniste de Jazz, qui a composé spécialement pour cette chapelle du Cap Nord.
Le raid quitte la Norvège, pour redescendre au travers des forêts finlandaises.
Nos musiciennes raideuses profiteront de ces étapes pour chercher un autre instrument traditionnel finlandais, le Kantele. Cet instrument est une forme de Cithare à cordes pincées. Originellement à 5 cordes, le Kantele était utilisé pour accompagner les chants des runes. L’instrument a évolué vers un instrument de concert à 39 cordes.
Instrument national en Finlande, sa popularité la fait entrer dans les écoles et conservatoires du pays.
Jean Sibelius
Les pistes finlandaises s’éloignent comme s’approche Helsinki et la fin de ce raid. Pour la dernière étape de Finlande, après le point de contrôle du midi, nos musiciennes feront une entorse au road book. Elles prendront la route directe pour s’arrêter à 40 km au nord d’Helsinki, Jarvenpaa et la visite d’Ainola. C’est ici que Jean Sibelius (1865 1957) s’installa quittant Helsinki pour la campagne et composa la plupart de ses œuvres et notamment le poème symphonique Finlandia qui devint un symbole de la lutte pour l’indépendance finlandaise. Grand symphoniste, il notait ses compositions qu’une fois prête dans sa tête, et imposait le silence à son entourage pour pouvoir travailler.
Notre équipage s’en retourne à Helsinki, non s’en avoir acheté un CD d’œuvres du musicien, qu’elles insèrent immédiatement dans le lecteur CD de la voiture. On ne peut pas mieux arriver sur Helsinki, qu’en écoutant la musique de son compositeur.
L’aventure touche à sa fin, les raideurs rentreront avec des images plein la tête et plein les ordinateurs, des rencontres, des découvertes. L’équipage 18 aura ajouté le son à l’image pour obtenir le film qui raconte une des histoires de la Scandinavie.
Equipage 18 : Les Coubronnaises
Youtube : durée 01h11
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